HADOPI : REACTION DE LA CGT SPECTACLE...
HADOPI, DEMOCRATIE ET DIVERSITE CULTURELLE
Faut-il au nom d’une vision « technolâtre » et bien souvent très libérale, se résigner au téléchargement illégal ou doit-on imaginer une régulation d’Internet qui permette un véritable respect du droit d’auteur et des droits voisins ?
La Cgt Spectacle et ses syndicats ont toujours défendu les droits des auteurs et des artistes, le droit moral comme le droit patrimonial afin que ceux-ci puissent vivre de leur métier.
Mais nous refusons d’opposer le droit d’auteur au droit d’accès pour tous aux nouvelles formes d’échanges et de communications, vecteurs potentiels d’information, de savoir, de culture.
C’est dans cette perspective que dès 2005, lors des débats autour de la loi DADVSI, nous avons pris publiquement position pour une plateforme publique de téléchargement légale afin de permettre un accès aux œuvres, abordable pour le public et une mise à disposition favorable aux auteurs et aux artistes. La liberté individuelle ne peut s’épanouir que dans le cadre de règles de vie commune, ferments de la démocratie : c’est pour cela que nous ne renonçons pas à tout mettre en œuvre pour une pédagogie renforcée, en particulier auprès des plus jeunes, afin de convaincre que la poursuite du téléchargement illégal met en danger la création et la diversité des œuvres et donc les auteurs et les artistes.
Plutôt que des amendes lourdes et des peines d’emprisonnement prévues par la loi DADVSI, nous préférons une riposte graduée contre le téléchargement illégal : plusieurs avertissements, bridage de débit avant d’arriver à la coupure d’accès. La riposte graduée n’est-elle pas plus pédagogique que les fortes amendes qui risquent maintenant d’être appliquées par les tribunaux ?
Faut-il qu’une partie des « forces de progrès » aient perdu leurs repères pour crier avec certaines organisations de consommateurs qu’interrompre l’accès à Internet constitue un acte « liberticide », portant atteinte à un droit fondamental ?
Le « lobbying » intense de certains représentants des industries culturelles ou de groupes multinationaux n’a pas facilité la clarté des débats autour d’Hadopi et c’est avec une certaine bonne foi que des « progressistes » ont cru, en s’en prenant aux gros opérateurs, défendre la liberté du citoyen. Mais ne sont-ils pas par là même tombés dans le piège du « laisser faire, laisser passer »?
En même temps, le refus depuis des années, des producteurs de musique et de l’audiovisuel, à mieux partager avec les auteurs et les interprètes, les richesses générées par les industries culturelles, a donné des arguments aux anti-Hadopi.
Sans règles et sans contrôles sur Internet demain, c’est la fin de la chronologie des médias qui vient d’être modifiée et protège encore la salle de cinéma ; c’est la fin de la viabilité des plateformes légales et donc des rémunérations des auteurs et des artistes sur celles-ci. Hadopi ne nous satisfait pas parce qu’elle ne règle pas le devenir de la rémunération des auteurs et des artistes ; nous ne pouvons adhérer à la « contribution créative », ersatz de la « licence globale » : elle nie le droit moral, fragilise la chronologie des médias et donc la fréquentation des salles, remet en question la valeur des œuvres au profit d’une promotion de la consommation de masse et finalement ne règle pas la question de la rémunération des auteurs et des artistes. En effet, veut-on pour les ayants droits un « RSA » qui de plus ne permettrait pas de générer de nouvelles œuvres en particulier les plus exigeantes en termes de créativité, d’invention, d’audace ?
Ne condamne-t-on pas à terme la diversité culturelle ? Hadopi ne nous satisfait pas non plus car elle épargne largement les opérateurs et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Comment accepter qu’ils continuent de percevoir le montant des abonnements des particuliers pendant les coupures d’accès ? Comment accepter qu’ils participent si peu, eux qui vivent de la circulation sans bornes des œuvres, à la rémunération des auteurs et des artistes ? Puisque malgré les règles et les contrôles que nous souhaitons, des échanges illégaux subsisteront, nous souhaitons que les FAI paient des indemnités aux ayants-droits spoliés. On ne pourra espérer maintenir et élargir la diversité culturelle en sacrifiant les auteurs et les artistes. On ne pourra faire accepter une loi et les règles communes qu’elle implique sans convaincre largement du caractère équilibré de la loi. Pour cela, on ne peut monter les auteurs et les artistes contre les citoyens et inversement ; on ne peut se satisfaire ni du libéralisme et de la « philosophie du gratuit », ni d’une pénalisation excessive des citoyens à qui on vend une technologie et des abonnements qui permettent de télécharger sans limite.
On a besoin de beaucoup de pédagogie, pour expliquer que l’avenir de la création, des auteurs et des artistes dépend du respect de règles et d’un meilleur partage des revenus.
Le débat devra donc être repris, approfondi et porté aussi au niveau européen : la Cgt Spectacle et ses syndicats comptent bien y prendre toute leur place.
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