MEKTOUB MY LOVE : INTERMEZZO … Le parquet doit se saisir de « l’affaire » Kechiche !
Un article publié le 27 mai sur le site du Midi Libre relate les propos d’un témoin du tournage du dernier film d’Abdellatif Kechiche, Mektoub my love : intermezzo, en les termes suivants : « Le réalisateur a fait rejouer pendant des heures et des heures les scènes de la discothèque, épuisant tous les acteurs, et le tournage se prolongeait très tard dans la nuit. Il voulait absolument arriver à avoir une scène de sexe non simulée, ce à quoi les acteurs n’étaient pas disposés. Mais à force d’insister, au fil des heures et alors que de l’alcool était régulièrement consommé sur place, il a réussi à obtenir ce qu’il voulait ».
Les faits décrits dans cet article sont des plus graves et pourraient, s’ils étaient avérés, être qualifiés d’harcèlement sexuel et sanctionnés pénalement. En effet, l’article L1153-1 du Code du Travail dispose que « aucun salarié ne doit subir des faits 1° soit de harcèlement sexuel constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante 2° soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ». Alors que les acteurs auraient refusé initialement de jouer une scène de sexe non simulée, c’est par la pression (fatigue, alcool, répétition de la demande) qu’ils auraient fini par céder, et céder n’est pas consentir. C’est donc au profit d’un tiers – le réalisateur - qu’un acte de nature sexuelle se serait déroulé pendant le tournage, sans le consentement éclairé des acteurs.
Le tiers en question, si les faits sont avérés, s’appelle Abdellatif Kechiche. Il est non seulement réalisateur mais également producteur de ses films depuis « La vie d’Adèle », ce qui le place en position d’employeur légal des acteurs, qui lui sont subordonnés. Si M. Kechiche peut, à ce titre, donner des ordres de travail, des consignes et des directives à son équipe, la Cgt spectacle affirme que ce droit n’est pas absolu et que l’acte artistique, aussi noble soit-il, n’exonère pas du respect de la loi et de la protection des salariés. Il en est ainsi de la responsabilité de l’employeur d’assurer à ses salarié·e·s des conditions de travail dignes et sures, ce qui, à la lecture de l’article de Midi Libre, ne pourrait ne pas avoir été le cas sur le tournage de Mektoub my love : intermezzo.
La Fédération Cgt spectacle et l'ensemble de ses syndicats rappellent qu'ils sont résolument engagés pour une totale liberté de création, que l'exigence artistique requiert des scènes non simulées ou pas. De même, nous sommes pour la liberté de choisir des acteurs et actrices. Mais pour qu'il y ait consentement, l'accord doit être explicitement donné avant le tournage, période particulièrement stressante, épuisante et source de confusion pour l'ensemble des équipes, et particulièrement pour les acteurs et actrices pris entre fiction et réalité.
En 2013 le Syndicat des professionnels de l’industrie de l’audiovisuel et du cinéma (SPIAC-CGT) avait déjà dénoncé des manquements graves au Code du Travail au sujet de « La vie d’Adèle », réalisé également par M. Kechiche.
Alors que de plus en plus de femmes dénoncent les faits de violence subie dans un contexte professionnel, (certaines ayant témoignés sur la plateforme « l’envers du décor », lancée par la Cgt spectacle en 2017), alors que la tolérance sociale à l’encontre du harcèlement sexuel s’amenuise, grâce notamment au mouvement #MeToo, la Fédération Cgt du spectacle demande à ce que le parquet se saisisse de cette affaire et se tient dès aujourd’hui à la disposition de toute personne qui souhaiterait apporter des témoignages complémentaires quant aux conditions de tournage de Mektoub my love : intermezzo.