Mise à jour le 20 octobre 2010

 

ANNEXES 8 ET 10 : A L'OUVERTURE DES NEGOCIATIONS, ILS REMETTENT CA !

Selon nos informations, les négociations sur la prochaine convention générale d’assurance chômage devraient démarrer dans le courant du mois de novembre. Question : est-ce un hasard si un « économiste, président du comité de l’emploi de l’union européenne » mais aussi conseiller auprès du délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) qui, faut-il le rappeler,  est sous la tutelle du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ayant pour nom Bruno Coquet vient de se fendre d’un papier ayant pour titre  « les intermittents du spectacle. Un régime d’assurance chômage avantageux et discutable » (paru dans la revue Futuribles n°367 – octobre 2010) ?

A la lecture des morceaux choisis que nous publions, vous aurez sûrement la réponse. Ce d’autant plus, que le même Bruno Coquet avait, avec un autre économiste Arnaud Sylvain, déjà commis un papier sur l’indemnisation du chômage en 2007 à la veille de la renégociation de la convention d’assurance chômage en vigueur qui s’est caractérisée par la mise en place d’une filière unique. Morceaux choisis …

« Outre le produit des ventes et les subventions publiques, le régime d indemnisation du chômage des intermittents du spectacle (RIS) est progressivement devenu une ressource cruciale sur laquelle s'appuie l’activité. Les intermittents du spectacle (IS) représentent 0,8 % des salariés affiliés à l'assurance chômage (129 000), mais 3,4 % des effectifs indemnisés (55 000) et 5,9 % des dépenses d'indemnisation du régime d'assurance chômage (RAC). En complément d'une masse salariale de l’ordre de 1,8 milliard d'euros distribuée par les firmes, les dépenses d'indemnisation pèsent aujourd'hui plus de 1,3 milliard d'euros par an, soit 40 % du revenu des IS. Ces caractéristiques du marché du travail des industries du spectacle engendrent un déficit annuel du RIS de plus de 1,2 milliard d'euros qui élève de 0, 25 %  le coût du travail dans les secteurs marchands. Ce transfert est devenu un problème structurel pour le RAC, qui sans cela ne serait pas endetté, mais aurait disposé d’une trésorerie positive dépassant 10 milliards d'euros fin 2008, à l'entrée dans la crise … »

« … Les dépenses d'indemnisation du chômage des IS, qui représentent deux tiers de la masse salariale du secteur, suggèrent que le RIS joue un rôle crucial, permettant à un nombre accru d’IS de vivre malgré la moindre quantité de travail fournie, en moyenne, par IS. D'ailleurs, le flux de nouveaux IS est fortement corrélé à l'indemnisation. Depuis 1991, la part des indemnisés au titre du RIS est passée de 1,3 % à 4,7 %  des  chômeurs pris en charge par l'UNEDIC (Union Nationale pour l'Emploi dans l’Industrie et le Commerce), augmentant près de deux fois plus vite que la proportion des IS au sein de l'emploi affilié au RAC (passée de 0,4 % à 0,8 %). Les dépenses d'indemnisation ont été multipliées par cinq, alors que les ressources du secteur ont moins que doublé. De tels symptômes sont typiques de ceux observés par la littérature économique lorsqu’un régime d'indemnisation très généreux est prodigué aux chômeurs : les emplois ont alors tendance à être créés sur les statuts, dans les métiers, les secteurs ou les régions bien protégés (sélection adverse), et le nombre et la durée des épisodes de chômage ont tendance à s'accroitre (aléa moral)… »
«… Les firmes ne bénéficient pas directement des prestations du RIS, mais celles-ci leur offrent une flexibilité extrême à coût nul. Elles bénéficient de subventions croisées, entre firmes, puisque celles qui utilisent les contrats les plus flexibles ont un avantage compétitif sur leurs concurrentes, et entre secteurs, car tous les secteurs ne peuvent utiliser ces contrats d'IS à la fois flexibles et bien indemnisés. La subvention aux firmes est d'autant plus élevée que les droits des salariés sont généreux. Pour en bénéficier, les employeurs doivent obligatoirement embaucher des IS, et c'est parce que ce statut est avantageux pour les deux parties qu’il s'est développé aux dépens des autres formes de contrat. Ces effets sont de même nature et transitent par les mêmes canaux que ceux identifiés pour les salariés en licenciement temporaire (licenciés puis réembauchés par le même employeur), typiques de certains régimes d'assurance chômage… »

« Le transfert du coût de la flexibilité vers les autres salariés, les autres firmes et les autres secteurs est assuré par le RAC, au nom de la solidarité interprofessionnelle face au chômage… »

« … Une comptabilité séparée du RIS est publiée par L’UNEDIC. Une telle séparation des comptes au sein d'un régime mutualisé, qui n’aurait pas lieu d'être pour d'autres professions, est légitime car le RIS fait exception à la mutualisation au sein du RAC, les règles gouvernant les ressources, l’éligibilité et l'indemnisation étant profondément différentes de celles appliquées aux autres assurés. Le RIS dégage aujourd'hui un déficit technique supérieur à un milliard d'euros par an, les recettes couvrant moins de 20 % des dépenses d'indemnisation. Sans cette charge, le RAC aurait accumulé une trésorerie positive supérieure à 10,5 milliards d'euros à la fin 2009 (et positive de 4,0 milliards d'euros en moyenne de 1990 à 2009), en dégageant un excédent annuel moyen de 350 millions d'euros sur la période 1990-2010.Autrement dit, l'ensemble de la dette de L’UNEDIC (5,9 milliards d'euros fin 2009) provient du déséquilibre structurel du RIS, et si elle est inférieure à la dette engendrée par les déficits cumulés du RIS, c'est parce qu’une grande partie de ces déséquilibres ont été financés par les excédents dégagés dans le reste du RAC. Tenant compte du fait que les charges d’intérêt payées par l'UNEDIC sont toutes dues au déséquilibre du RIS, celui-ci a creusé une dette totalisant plus de 16,5 milliards d'euros en 20 ans.  L’ampleur de ces déséquilibres compromet la bonne gestion, voire la survie de l'assurance chômage… »
« … Globalement, le financement de l'assurance chômage des intermittents a pesé sur la compétitivité et l’emploi dans les autres secteurs : le niveau de déficit engendré par le RIS correspond à 0,25 point de coût du travail sur les 6,4 % actuellement prélevés au titre du RAC… »

« … S'il s'agit de financer la production culturelle, l’assurance chômage n’est clairement pas l’instrument optimal. D'une part, pour un bien public de cette nature, qui bénéficie à toute la population, une ressource fiscale est plus appropriée car prélevée de manière plus équitable. D'autre part, il est paradoxal de subventionner une production en dirigeant l'essentiel des subventions vers les actifs au moment où ils sont privés d'emploi plutôt que de les aider lorsqu'ils produisent. Enfin, l’assurance devrait s'attacher à prévenir la précarité plutôt que seulement la compenser, par exemple en pénalisant l'utilisation des contrats plus courts grâce à  une taxation dégressive en fonction de leur durée.  

A l’opposé des propositions de réformes existantes, qui pointent en général le périmètre des professions éligibles comme une cause des déficits et sa restriction comme une solution, un retour au canai d'intervention classique de la subvention à la production changerait en profondeur les incitations et l’économie du secteur. Cela fournirait plus d’opportunités de création et de travail aux intermittents, ce qui est l'objectif premier d'une politique culturelle.  L’indemnisation du chômage ne serait évidemment pas supprimée, mais sa réglementation homogénéisée avec celle des autres salariés.
Les firmes seraient ainsi incitées à mettre en œuvre un modèle économique viable, plus intense en subventions à la production, ce qui limiterait le besoin de flexibilité en raison de la demande accrue... »

Vous l’aurez compris, le Medef entend bien revenir à la charge. Sous couvert de « réglementation homogénéisée », il s’agit pour lui de basculer les artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré engagés par intermittence dans l’annexe du régime général, c’est-à-dire dans l’annexe 4.