Mise à jour le 13 novembre 2019

 

VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES : Combien faut-il de nouveaux témoignages pour agir enfin ?

Le vendredi 8 novembre, dans un témoignage livré au Parisien, Valentine Monnier expliquait avoir été frappée et violée par Roman Polanski en 1975, alors qu’elle était âgée de tout juste 18 ans. Ce témoignage vient s’ajouter à d’autres qui visent le réalisateur franco-polonais, et survient dans un contexte où de plus en plus de femmes, à l’instar d’Adèle Haenel, osent publiquement dénoncer les faits dont elles disent avoir été victimes.

La fédération Cgt du spectacle salue le courage de ces femmes et rappelle que la présomption d’innocence, à laquelle nous sommes bien évidemment attachés, ne saurait occulter la parole des victimes.

Cette nouvelle accusation visant Roman Polanski appelle plusieurs questions :

-Le talent atténue-t-il la responsabilité des présumés (quand ils ne sont pas condamnés) agresseurs ?
Il s’agit bien ici d’une spécificité propre au milieu du spectacle, où d’aucuns tentent de placer les faits délictuels voire criminels perpétrés par un réalisateur ou metteur en scène sur l’autel de l’art. Nous le répétons : rien ne peut justifier des violences sexuelles et le statut de « monstre sacré du cinéma » de Roman Polanski (ou d’autres) ne peut en aucun cas être mis en avant pour botter en touche à propos de la question des faits présumés qui lui sont reprochés par plusieurs femmes.

- Peut-on séparer l'homme de l'Artiste ?
Alors que les violences sexuelles sont endémiques à l’échelle de la société, et donc à l’échelle de nos secteurs d’activité, il n’est plus possible de faire abstraction quand il est question d’un artiste des faits dont il est accusé ou a pu se rendre coupable. S’il est possible d’admirer la filmographie de tel réalisateur ou artiste, cette filmographie, aussi riche et géniale soit-elle, ne constitue pas un « totem d’immunité » qui rendrait inattaquable l’homme derrière l’artiste.

-Pendant combien de temps le milieu du spectacle va-t-il continuer d’être une zone de non-droit pour les femmes victimes de violences sexistes ?
Les témoignages s’accumulent depuis plusieurs mois contre des réalisateurs, des producteurs, des directeurs de théâtre, des chefs d’orchestre, des chorégraphes, des acteurs, sans que ces témoignages ne soient suivis de réels effets judiciaires, ou d’une prise de conscience collective que cela peut et doit cesser, définitivement. Sans doute que le témoignage d’Adèle Haenel marquera un tournant, car comme elle l’explique si bien, son statut social, supérieur dorénavant à celui de son agresseur, la protège. Mais qu’en est-il des dizaines et des dizaines d’autres victimes, peu voire pas du tout connues (toutes n’étant pas artistes par ailleurs), au statut précaire ? Les témoignages que nous avons recueillis sur la plateforme « l’envers du décor », lancé en 2017, le prouvent : il y a urgence à agir pour que plus jamais personne n’ait à subir de violences sexuelles dans nos secteurs.

La fédération Cgt du spectacle appelle donc à la mise en œuvre rapide d’un plan d’actions contre les violences sexistes et sexuelles dans nos secteurs, avec :

-La création d’une cellule d’écoute pour les victimes de telles violences, qui permette une aide psychologique et juridique ;

-La formation des médecins du travail pour permettre un recueil de la parole au cours des visites médicales obligatoires ;

-Une campagne d’information à l’attention de tous les salarié·e·s du secteur pour expliquer leurs droits et les recours possibles en cas de situation de violences ;

-La formation des employeurs et salarié·e·s en position de managers sur cette thématique.

En plus de ce plan d’actions, nous appelons à la création de dispositifs permettant la prise en charge financière des frais juridiques des victimes qui souhaiteraient aller en justice (alors que beaucoup sont précaires). Notre secteur doit aussi s’emparer à bras le corps de la question cruciale du « blacklistage » : aucune victime qui témoigne ne doit subir de conséquences professionnelles et se retrouver écartée des opportunités d’emploi, parce qu’elle a osé parler.

Ce plan doit être soutenu par le ministère de la Culture, pour que les paroles soient suivies d’engagements tenus.

NOUS DEVONS ÊTRE À LA HAUTEUR DU COURAGE DES FEMMES QUI TÉMOIGNENT, ET AGIR, ENFIN.